Enquête sur les « écoles vitaminées à l’EPS »

Synthèse d’une enquête menée par des chercheurs auprès d’écoles dans lesquelles l’EPS est considérée comme fondamentale et enseignée par les Professeurs des Écoles eux/elles-mêmes, à la hauteur des horaires prévus par les programmes (trois heures par semaine). Le constat de cette enquête est limpide, « dans les écoles vitaminées à l’EPS, ça marche ! » Alors pourquoi pas partout !? 

De nombreux rapports et recherches constatent que l’Education physique et Sportive n’est pas enseignée à l’école primaire à hauteur des programmes (enseignement estimé entre 1 heure 30 et 2 heures par semaine au lieu de 3 heures officielles).  Il y a de nombreuses explications à cela, ces rapports en font état. Cependant, la situation est loin d’être homogène. Dans un contexte considéré comme difficile (réduction du temps scolaire, pression des maths et du français, réduction de la formation, discours confus sur les enjeux de l’EPS (Bouger 30 minutes, 2S2C)…), des écoles réussissent à proposer une EPS à hauteur des programmes, qui participe à la dynamique du projet d’école par l’enseignement d’activités physiques, sportives et artistiques (APSA). 

Ce rapport d’enquête, menée avec des chercheurs, à l’initiative de deux syndicats de la FSU (le SNEP-FSU et le SNUipp-FSU) tente de comprendre comment ces « Ecoles vitaminées à l’EPS » fonctionnent. Le but était d’identifier les conditions favorables à l’enseignement de l’EPS, qu’il conviendrait de généraliser pour que cette discipline soit considérée comme aussi importante que les autres, et qu’elle puisse réellement jouer le rôle spécifique qui lui est attribué par l’institution scolaire. 

Notre étude a porté sur 27 écoles, qui répondaient aux critères préalablement définis : une EPS enseignée par les Professeurs d’Ecoles eux/elles-mêmes (et non des intervenant.es), 1 séance par jour en maternelle et 2 séances en élémentaire, ainsi que l’existence d’une programmation EPS d’école témoignant d’un travail en équipe. Cette étude a été faite sous forme d’entretiens qui prenait en compte des éléments quantitatifs et qualitatifs. Elle a ensuite fait l’objet d’un traitement qualitatif avec une analyse de contenu et un traitement statistique.

Au terme du processus, nous pouvons dire qu’il y a une diversité d’écoles vitaminées, dans le sens où on peut en trouver aussi bien en milieu rural, semi-urbain, urbain, des petites écoles comme des grandes, avec des professeurs d’écoles sportifs-ves ou moins sportifs-ves, avec des équipements de qualité variées, des écoles affiliées à l’USEP ou pas. 

Il y a cependant des points communs entre toutes ces écoles.

L’immense majorité de ces écoles ont des équipements proches qui leur permettent de ne pas perdre de temps et d’assurer ainsi une séance d’EPS par jour en maternelle, et au moins 2 séances dans les écoles élémentaires. Dès que les équipements sont loin, soit le nombre de séances diminue, soit les enseignant.es ne les utilisent pas. Faire en sorte que toutes les écoles aient des équipements de proximité apparait donc comme une priorité pour augmenter l’horaire d’EPS en primaire. 

Cependant, en termes d’horaires, aucune de ces écoles ne réussit à assurer 3 heures d’EPS chaque semaine, pour plusieurs raisons. D’une part parce que l’horaire des 3 heures est théorique et ne correspond pas à la réalité concrète (autour de 2h15, si l’on tient compte des temps de transition et proto-didactiques ainsi que des temps de récréations).  D’autre part, la pression du français et des maths est réelle et, dans le cadre des programmes actuels, impactent toutes les autres disciplines, dont l’EPS.

Les écoles vitaminées réussissent tout de même à se rapprocher de l’horaire officiel global sur l’année (108 heures), voire à le dépasser grâce aux rencontres sportives et artistiques sur le temps scolaire et à des événements (journée olympique, sortie vélo, stages de pleine nature, spectacle, bal folk, ..). Ceux-ci sont déterminants pour la quantité d’EPS, mais également la dynamique de l’école autour de l’EPS. Ils se font dans 63% des écoles avec le soutien de l’USEP. Toutes les personnes interrogées déplorent que l’offre de rencontres ait beaucoup diminuée ces dernières années du fait que les conseillers pédagogiques de circonscription n’aient plus le temps de s’occuper d’EPS.  Elles déplorent également le manque de moyens accordés pour animer l’USEP. 

Ce qui motive les enseignant.es de ces écoles vitaminées à l’EPS, c’est au fond un projet politique, plus ou moins explicite, qui considère que l’Ecole a un rôle important à jouer dans la réduction des inégalités (sociales, territoriales, de genre) et dans l’accès à la culture. Toutes les écoles vitaminées de notre enquête considèrent l’EPS est une discipline fondamentale, à la fois pour l’équilibre des rythmes scolaires et le développement de l’élève, mais aussi pour faire vivre aux élèves des expériences sportives et artistiques qu’iels ne vivront pas dans leurs familles. 

L’EPS est également considérée comme indispensable au bon fonctionnement de la vie de la classe (travail de groupe, construction de règles..) et à l’intégration d’autres apprentissages (langage, maths, Education morale et civique…). La démarche d’apprentissage vécue en EPS (essais/erreurs, effort, répétition) est souvent convoquée à l’occasion d’autres apprentissages.  Cette approche est une spécificité de l’école primaire. Elle a une grande importance pour ces professeurs des écoles, elle donne du sens à leur travail quotidien, les motive à prendre le temps de faire leur EPS. Ils estiment cependant qu’enseigner l’EPS demande de l’énergie physique et militante parce que l’institution ne les soutient pas ou insuffisamment.

Le travail en équipe est une réalité dans ces écoles vitaminées à l’EPS et se traduit de diverses manières. Par exemple, plus de la moitié des écoles font le choix d’avoir une personne-ressource EPS volontaire pour dynamiser l’EPS, ou pratiquent la co-intervention entre enseignant.es.  

Les écoles vitaminées de notre enquête bénéficient toutes d’une mairie ou collectivité territoriale qui aide à la mise en place de l’EPS, mais font cependant peu appel à des interventions extérieures. Lorsque des partenariats existent, ils sont choisis et maitrisés par les enseignant.es et ne sont jamais une substitution des intervenant.es. Ainsi, les pratiques des écoles vitaminées interrogent fortement les partenariats tels qu’ils sont conçus très souvent aujourd’hui. 

Cette enquête met donc à jour une image de l’EPS, moins simpliste et moins caricaturale que celle qu’on nous donne à voir habituellement. Sans nier les problèmes, elle met en évidence certains leviers peu développés jusqu’à présent. Cette étude soulève la question du temps scolaire global – très contraint. Elle questionne une éventuelle révision des programmes pour pouvoir assurer réellement un enseignement polyvalent aux élèves et donner toute sa place à l’enseignement de l’EPS. Elle confirme que les professeurs des écoles sont en capacité d’assurer une EPS de qualité, en référence aux APSA, pour peu qu’on leur en donne les moyens. C’est pourquoi rétablir la formation initiale et continue, redonner la valence EPS aux conseillers pédagogiques, redynamiser l’USEP sont des revendications prioritaires pour les deux syndicats qui ont réalisé cette étude en partenariat avec des chercheurs (voir les « 20 mesures pour développer l’activité physique, l’EPS et le sport scolaire », 2021 (SNEP-SNUipp) 

Elle contribue à une sorte d’observatoire des pratiques qui doit permettre aux syndicats de mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre dans les écoles et les points d’appui possibles pour les revendications immédiates et pour la construction d’un projet éducatif alternatif. Il conviendrait de développer le même type de travail au sein de l’institution, via la recherche et la formation. Dans un premier temps, l’enjeu de cette enquête est d’informer les divers acteurs et actrices que l’enseignement de l’EPS est non seulement souhaitable et possible, mais également accessible. La preuve « dans les écoles vitaminées, ça marche, alors pourquoi pas partout ?

Le rapport d’enquête « Les écoles vitaminées, ça existe, pourquoi pas partout »

Ci-dessous le replay du webinaire « Vitamine ton école avec l’EPS » (organisé par le SNEP-FSU au premier trimestre 2022) où vous pourrez entendre témoignages, résultats de cette enquête et débat autour des pistes pour développer l’EPS à l’école primaire.

Par Claire Pontais, Antoine Thepaut et Ingrid Verscheure