Lors du dernier forum Européen de l’EP à Budapest, l’association des professeurs d’éducation physique et sportive a présenté les résultats d’un questionnaire à destinations de 39 pays de l’Europe sur les curriculums et l’organisation de l’EPS en Europe. Claude Scheuer, président de EUPEA nous livre son regard sur cette étude
Quels sont es horaires d’EPS en Europe à l’école primaire ?
Ma réponse prend appui sur ce questionnaire que nous avons réalisé. Au total 19 pays ont répondu. Par rapport aux autres statistiques disponibles sur le sujet, notre originalité réside dans le fait que ce questionnaire s’appuie sur des enseignants d’EPS des pays Européens. Nous pouvons dire que nous avons une remontée de la réalité qui n’est pas simplement celle du formel mais plus en phase avec la réalité quotidienne des enseignants. Les leçons obligatoires d’EP varient de 1 à 5 dans les pays Européens. La majorité des pays ont 2, voir 3 leçons par semaine. Seul la Hongrie réalise 5 leçons par semaine, soit une leçon par jour. Cette recommandation est pourtant portée par le groupe expert HEPA de la Commission Européenne dans son dernier rapport (Expert Group on Health-enhancing physical activity). Il spécifie d’ailleurs que l’EP à l’école primaire est une priorité. Il y a un chemin important à réaliser pour que cela devienne effectif dans tous les pays. Nous savons aussi que la réponse a toujours un caractère très formel. Dans la réalité des écoles, les horaires sont en dessous. Il est courant que les premières leçons qui seront supprimées lorsque le retard s’accumule ou pour tout simplement sanctionner les élèves et bien entendu l’EP
Pays | Nombre de leçons/semaine |
ITA | 1 |
IRL, NED | 1-2 |
BEL, CZE, ENG, POR, SCO, SRB, SPA, SWE | 2 |
LUX | 2-3 |
ALB, FrA, GER, SLO | 3 |
GRE | 2-4 |
POL | 3-4 |
HUN | 5 |
Qui enseigne l’EP ?
Il y a deux modèles d’enseignement de l’EP en Europe : d’un côté, pour une minorité de pays, les cours d’EP sont menés par des spécialistes d’EP. C’est le cas par exemple de la Belgique flamande ou en partie de l’Angleterre. D’ailleurs l’association des enseignants d’EP en Angleterre dénonce le manque important d’enseignant d’EP spécialisés pour enseigner dans les écoles primaires. En suisse, il y a aussi, pour l’instant encore, des spécialistes, mais des cantons – notamment celui de Zurich – sont en train d’aller vers un enseignement de l’EP par des enseignants généralistes. Les enseignants d’EP doivent par conséquent se former dans d’autres matières pour pouvoir continuer de travailler sur leurs postes. Pour les autres pays, ce sont en général des enseignants généralistes qui enseignent l’EP. Entre ces deux modèles une autre voie est possible : la mise en place d’enseignants généralistes possédant une spécialisation en EP. Nous avons prévu lors de notre prochain bureau d’accorder un temps de travail à cette thématique.
Dans ces modèles est-ce que certains pays privilégient par exemple plus l’utilité sociale de l’EPS, d’autres sont plus sur l’enseignement des APSA comme objet de culture ?
La majorité des pays conserve un double attachement à la fois à l’éducation aux activités sportives et à la fois aux contributions de l’EP à des questions sociétales plus large. Quelques pays ont vraiment opéré ce glissement. C’est le cas par exemple en Finlande ou encore en Suède où ils sont allés jusqu’à transformer le nom : EP et santé. Dans la majorité des autres pays, le nom de l’EP persiste. Il est intéressant aussi d’analyser les réponses à la question sur les concepts clés de l’EP. En Europe, deux concepts sont présents dans une grande partie des pays. Le premier est la compétence fondamentale du mouvement. C’est- à-dire les mouvements de lancer de balle, de course… qui sont essentiels pour participer aux jeux et aux activités sportives. Le deuxième tourne autour des compétences sociales et la santé… En Allemagne par exemple nous retrouvons cette distinction dans les programmes avec une double mission de l’EP. Il n’en reste pas moins que dans les programmes apparaît de façon très claire que le cœur de l’EP reste les compétences dans « le mouvement dans les jeux et les sports. » Il y a un mouvement important de glissement de l’EP vers une fonction d’utilité sociale notamment à la santé dans certains pays. Il y a une pression importante à la fois économique et des logiques de santé pour que l’EP soit de plus en plus contributive à la santé. Et puisque l’EP a des problèmes de légitimation en ce qui concerne sa place dans le système éducatif dans certains pays, on essaye dans le camp de l’EP de jouer la carte « santé » pour ne pas mettre en danger cette place, avec les dangers potentiels pour ce que nous pouvons décrire comme le cœur de la branche, qui sont « les compétences de mouvement ». Pour autant les pays qui lient de façon très importante l’EP avec la santé ont vu les horaires baisser, puisqu’une partie des leçons devrait être consacrée à une éducation à la santé en salle de classe. C’est le cas par exemple de la Finlande ou de la Suède.
Entretien réalisé par Bruno Cremonesi