Sports collectifs : Comment composer les équipes ? Comment jouer avec les règles  ?

Par Claire Pontais 

A l’école, en EPS, l’enjeu est de faire progresser des élèves aux vécus différents et de niveaux très hétérogènes. 

C’est à l’enseignant.e de faire des équipes hétérogènes ou homogènes, en fonction des élèves de sa classe, pour garantir l’équilibre entre les équipes et faire en sorte que tous les élèves apprennent. 

Voici quelques pistes de réflexion et des propositions qui montrent que jouer sur les règles permet de résoudre le problème des équipes. 

Quelques principes à connaitre pour que tous et toutes les élèves jouent et progressent

Savoir que les règles des sports sont vivantes

© Xavier Boulanger

Les règles des sports collectifs assurent l’équilibre entre l’attaque/défense. Elles peuvent être modifiées quand c’est nécessaire pour faire vivre le jeu. C’est ainsi que tous les sports collectifs ont vu leurs règles évoluer au cours du temps, et évoluent encore. Ce qui guide cette évolution, c’est toujours l’égalité des chances entre les deux équipes (avec toujours une incertitude du résultat sinon le jeu n’a pas d’intérêt). Seules quelques règles dites fondamentales – qui caractérisent un sport collectif – sont incontournables : le non-contact au basket, le jeu au pied au foot, la balle qui vole au volley, le contact/évitement au rugby. Connaitre ces règles fondamentales nous aide énormément pour concevoir des situations égalitaires et éviter des contestations.

Plus le nombre de joueurs et joueuses est important, plus le jeu est complexe

Complexe parce que cela augmente le nombre d’informations dans le jeu et les décisions tactiques sont plus difficiles à prendre. 

Nous choisissons donc faire des jeux à effectif réduit (3 contre 3, 4 contre 4 maximum). Cela augmente le nombre de terrains à gérer, mais les élèves sont plus actifs et donc plus impliqué·es. De plus, si un groupe dysfonctionne, il perturbe moins les élèves de la classe. Cela permet également de faire des équipes plus homogènes et équilibrées en termes de niveau. 

Savoir que le plaisir de jouer est lié au nombre de buts marqués 

Que ce soit au handball, au basket, au foot, à la balle au capitaine, etc…ce qui procure du plaisir en premier lieu, c’est de marquer des buts (pas de faire des passes !). 

Avec des équipes de 3 contre 3 (ou 4 c 4), les élèves ont plus souvent la balle et l’occasion de marquer. 

Toutes les règles doivent d’abord favoriser l’attaque et l’accès le plus rapide possible à la cible adverse.

  • Les cibles 

On peut proposer une cible plus facile d’accès pour favoriser la réussite au tir. Lorsqu’il y a une zone qui protège la cible comme au handball, plus la zone est grande, plus le but est difficile à marquer. 

Avec des débutant·es, les cibles ne sont pas obligatoirement les cibles des sports collectifs telles qu’en sport pratiqué en club ou au haut-niveau. Par exemple on peut proposer comme cible pour des débutant.es : 

  • tout le mur du gymnase en handball ou en foot (ou une partie du mur)
  • 4 buts : 2 à chaque fond de terrain ou à chaque côté (foot, HB, BB…) pour écarter le jeu et augmenter le nombre de couloirs vers le but 
  • des joueurs-buts (des capitaines)
  • un gros plot au sol à viser, protégé par une zone ( un pour chaque équipe)
  • et tout autre type de cible en fonction du matériel dont on dispose… 
  • Taille et forme du terrain

En 3c3, le terrain est plus petit qu’en 7c7 ! Sur un grand terrain, on peut 3 ou 4 terrains dans la largeur ou 2 terrains dans la longueur. Les élèves apprendront progressivement à jouer en autonomie. On peut aussi avoir une partie de la classe qui joue pendant que l’autre fait des exercices (tirs, démarquage..)

  • Droit de courir vers le but ballon en main 
  • Un « vrai » dribble est difficile pour les débutant·es. Rien n’empêche d’autoriser une course balle en main pour aller vers la cible, avec plus ou moins de contraintes suivant l’âge et le niveau des élèves. Du plus facile au plus difficile : 
  • courir balle en main et s’arrêter quand un défenseur nous touche les épaules par devant (dans ce cas, « je suis gelé·e » et je dois passer la balle).
  • courir en faisant rebondir la balle une seule fois (ce qui est déjà très perturbant pour la course).
  • courir en faisant un seul dribble tous les 3 pas
  • courir avec dribble et reprise de dribble autorisée après un arrêt.
  • dribble sans reprise autorisée après un arrêt

On peut différencier au sein d’une même équipe ou entre deux équipes ces règles selon le niveau des joueurs et joueuses afin qu’ils et elles jouent à égalité. Un élève totalement débutant pourra courir avec la balle et un élève qui joue plus fort·e devra dribbler. 

Par contre, nous déconseillons d’interdire le dribble : cela rend le jeu très difficile parce que la passe devient la seule solution pour avancer vers la cible et comme les débutant.es ont des difficultés pour se démarquer, il y a de nombreuses pertes de balle. 

Interdire le dribble peut être intéressant de manière momentanée lors de certains exercices, mais dans les matches, l’interdiction empêche trop de choix tactiques. 

  • Jouer en surnombre en attaque (plus d’attaquants que de défenseurs)

Exemple, dans un jeu de handball, le gardien a le droit d’aller de sortir de son but pour jouer en attaque avec son équipe. Il doit bien sûr revenir très vite dans son but quand son équipe perd la balle. 

En BB, puisqu’il n’y a pas de gardien, un joueur défenseur peut sortir dès que son équipe perd la balle (entrée et sortie au niveau de la ligne médiane).

  • Développer des compétences de tir  

Pour que chaque élève se sente capable de peser sur le score, il est nécessaire de travailler le tir au panier, ou le duel tireur/ gardien ..etc. S’il n’y a qu’un seul exercice à proposer, c’est un entrainement au tir ! 

  • Associer les élèves à la construction des règles 

Il est très important que les élèves comprennent l’intérêt de chaque règle et comprenne pourquoi on change telle ou telle règle. Il est intéressant de donner peu de règles au départ et de faire évoluer le règlement en fonction des observations partagées du jeu.

voir l’article de P. Grassetie - Que retenir de la règle ?

Expérimenter le jeu coopétitif [Les défis coopétitifs, pour une EPS de l’équité, revue EPS, 2011, Patrick Lamouroux], où l’on rééquilibre le rapport de forces au cours du jeu 

Exemple : au bout de 3 minutes de jeu (sur un match de 6 minutes), si l’écart entre les deux équipes est trop grand (3 points par ex), l’équipe qui perd va bénéficier d’un avantage (diminution de la taille de sa cible, droit d’avoir un joueur en plus,  ..), ou à l’inverse l’équipe qui gagne va avoir un handicap (un attaquant en moins, un but plus grand, interdiction de reprise de dribble, …). Ce type de jeu permet de faire se rencontrer des équipes qui ont des niveaux très différents. Il s’appelle « coopétitif » parce que c’est une compétition qui met en valeur l’égalité des chances entre les deux équipes, donc la coopération explicite avec l’adversaire. 

  • Arbitrage : 

Les élèves doivent pouvoir s’auto-arbitrer. Ce qui est plus facile avec des jeux 3 c 3. Mais, arbitrer s’apprend. Au départ, il est important de partager les constats. Par exemple : un arbitrage strict sur les contacts. 

Pour beaucoup d’enfants débutants, un sport collectif est un milieu mouvant impressionnant (tout le monde court partout, avec plus ou moins de bousculades) dans lequel ils et elles doivent prendre beaucoup d’informations pour prendre des décisions très vite. Quand il y a des règles fondamentales strictes à respecter le non-contact en basket, (e ballon libéré quand on est au sol en rugby, le jeu sans tacle ni main en foot …etc., l’enseignant·e doit prendre le temps que les élèves comprennent qu’il en va de la sécurité et de l’intérêt du jeu.

Jouer sur la façon de marquer des points

La façon de marquer des points a des incidences sur les stratégies des élèves.  

  • « La joueuse ou le joueur en or » : l’enseignant.e désigne avant le match un élève dont les buts vaudront 3 points (les adversaires ne savent pas qui c’est, et cela change à chaque match). Cette règle sollicite plus fortement les débutant·es sans les stigmatiser, avec une responsabilisation collective. Et cela évite au plus faible de donner la balle au plus fort lorsqu’il se retrouve seul devant le but ! 
  • Pour favoriser un jeu où tous les membres de l’équipe marquent un but, les points attribués peuvent varier. Exemple : tous les buts valent 1 point, sauf le 1er but de chaque joueur ou joueuse qui bénéfice d’un bonus (3 points). L’équipe a donc intérêt à s’organiser et réfléchir à des stratégies pour que tout le monde marque, pour que l’équipe bénéficie de tous les bonus. Le/la débutant.e se sent très concerné·e tout au long du jeu..
  • Le nombre de points du but varie en fonction de sa pertinence : 5 pts si le but est marqué alors que la personne qui tire n’est pas gênée par une ou un défenseur lors du tir (ce qui veut dire qu’elle est démarquée), 3 pts si le but n’est pas marqué ((tir dans les mêmes conditions). Si je tire et marque alors qu’un défenseur me gêne : 1 point, 0 si je ne marque pas. Cela incite les élèves à tirer lorsqu’ils ne sont pas gênés (démarqués). 

Dans tous les cas, les élèves doivent comprendre l’enjeu de ces règles différenciées.

Importance des phases de non-jeu et des débats entre élèves

Les élèves ont besoin de faire beaucoup de matchs pour se transformer mais aussi de débats qui s’appuient sur des observations objectives : 

  • On compte le nombre de possessions de balle et de tirs de chaque élève : cela permet de repérer les élèves qui n’ont quasiment jamais la balle et met en évidence la nécessité de s’entraîner au tir
  • On compare le nombre de possession de balle de l’équipe avec le nombre de tirs et de buts. (si l’équipe a  10 fois la balle et seulement 3 tirs c’est qu’il y a beaucoup de pertes de balle : comment expliquer cela ? )
  • On observe en jouant des rôles sociaux qui ont du sens. Exemple : 2 élèves, un.e de chaque équipe vient observer près du prof et faire des commentaires (comme un journaliste). On peut aussi valoriser des rôles d’entraineur/coach lorsque les élèves sont en autonomie (en faisant tourner les rôles, aussi bien les garçons que les filles !).

Les prises de conscience sont parfois difficiles, notamment pour les élèves qui se croient champion·nes du monde (!), mais elles sont aussi l’occasion de les mettre en valeur.

Comment faire les équipes ?

Des équipes hétérogènes ou des équipes de niveau ?  Réponse : …. Ça dépend !! 

Cependant, dans tous les cas, c’est l’enseignant·e qui maîtrise la constitution des équipes. En effet, beaucoup trop d’élèves (souvent les peu sportifs-ves) ont de très mauvais souvenirs d’EPS liés au fait que les enseignant·es laissent des élèves chefs d’équipe composer eux-elles/mêmes (avec l’humiliation subie par le ou la dernière choisie) leur équipe. 

S’appuyer sur le ressenti des élèves

Lorsqu’on ne connaît pas les élèves (début d’année, remplacement), on peut s’appuyer sur leur vécu : « Qui a déjà beaucoup joué (au club, dans la cour)? », « Qui n’a pas beaucoup joué mais aime jouer collectif, courir, sauter …? », « Qui n’a pas tellement aimé, pourquoi ? ». En fonction du nombre d’élèves dans chaque catégorie, on peut envisager des équipes de niveaux homogènes ou hétérogènes.

Si les garçons et les filles se retrouvaient totalement séparés avec des équipes de filles et des équipes de garçons, leur faire remarquer que c’est étonnant…parce que dans la société, il y a des filles sportives et des garçons non sportifs, et que par exemple, il y a 40% de filles dans les clubs de basket, que le football est un sport très pratiqué par les filles aux États Unis. Cette remarque peut aider des filles à aller oser jouer avec les garçons même si elles sont minoritaires. 

Dans tous les cas, prévenir les élèves que les équipes évolueront en fonction des observations de l’enseignant·e.

Dans le cas d’équipes de niveau

Des équipes de niveaux (débutant·es d’un côté, débrouillé·es l’autre) s’imposent dès que les écarts entre élèves sont très grands. La majorité des filles seront dans le niveau débutant, mais pas toutes, et il y aura des garçons débutants.

Les deux niveaux peuvent jouer au même jeu, avec les mêmes règles, ou alors des règles différentes. Ex : Les débutant.es ont le droit d’avancer en faisant rebondir la balle une seule fois au sol au handball ou basket, 4 buts au lieu de 2 (foot), 3 joueurs au lieu de 4, remise en jeu directe sans passe de la touche… etc.

Au fur et à mesure des évolutions, les règles des deux jeux peuvent devenir identiques… ou pas. Ce qui compte, c’est que les élèves jouent et progressent. 

Dans le cas d’équipes hétérogènes

Le risque des équipes hétérogènes en leur sein est que des élèves n’aient jamais la balle (ou très peu), et ne marquent jamais. Il faut donc vérifier cela : tout le monde a-t-il eu la balle, combien de fois ? Tout le monde a-t-il tenté de marquer un panier ? Il faut permettre aux élèves de faire eux-mêmes ces observations pour faire ensuite un travail réflexif en classe. 

Dans la même équipe, on peut différencier les règles : un.e débutant.e peut être autorisé·e à courir en faisant rebondir la balle une seul fois au sol sur toute sa montée de balle vers la cible, pendant que d’autres plus expert.es devront dribbler. 

 Équipes stables ou pas ? 

Là encore, cela dépend des objectifs. 

L’intérêt des équipes stables est double : à la fois pour des questions d’organisation et pour des questions de construction de stratégies et tactiques d’équipe. Mais un des inconvénients est la rivalité (qui peut renforcer le chauvinisme). Mais cela peut être contrecarré par des jeux du type jeux coopétitifs (voir plus haut : associer les élèves à la construction des règles).  

A contrario, changer souvent les équipes peut avoir un intérêt pour rendre les élèves altruistes quelle que soit l’équipe dans laquelle ils ou elles jouent. Exemple : lorsqu’un joueur ou une joueuse marque, il ou elle change d’équipe. Cela permet parfois d’éviter les conflits …

On le voit, faire les équipes à l’école n’est pas évident car le niveau des élèves est hétérogène alors que des équipes qui s’affrontent doivent être à égalité au départ du match. C’est une tâche difficile pour un·e enseignante, parce qu’elle est liée aux objectifs, aux valeurs. Cela demande de la vigilance, et du tâtonnement avant d’arriver à une situation satisfaisante.

Mais, dans tous les cas, c’est un travail éducatif fondamental. C’est une condition pour faire progresser les élèves, pour leur permettre de jouer ensemble quels que soient leur niveau ou leur genre. 

Au départ, certains garçons ne veulent pas jouer avec les filles et des filles elles-mêmes disent qu’elles ont besoin de garçons dans leur équipe parce qu’elles seraient « nulles » (même celles qui marquent beaucoup de buts !). Jouer sur le règlement, la constitution des équipes, se centrer sur des observations techniques et tactiques permet de s’éloigner des stéréotypes sexués. Il faut se rappeler que sans l’école de nombreuses filles ne feraient jamais de sports collectifs (comme de nombreux garçons ne feraient jamais de danse), et que par ailleurs, il existe des équipes féminines de haut-niveau et qu’il est injuste qu’elles ne soient pas autant médiatisées que les garçons.

Et rappelez à tous les intervenant·es … dans tous les cas, c’est le prof qui fait les équipes ! ????

Pour aller plus loin,
Pascal Grassetie - Que retenir de la règle sportive en EPS ?
Serge Reitchess - Les lois de l’exercice, ContrePied rugby, HS n°2, 2012