Bouger 30 minutes ou tendre vers 4 séances d’EPS par semaine ?

Que penser et que faire des 30 minutes d’activité physique quotidienne imposées à la rentrée 2022 ? Après une analyse du contexte, Claire Pontais plaide que ces 30 minutes d’APQ soient de l’EPS. Elle fait des propositions de contenus.   

Comment comprendre l’injonction des 30 minutes d’APQ ?  

Le gouvernement a imposé à la rentrée 2022 la généralisation des 30 minutes de « Bouger » par jour, sous le sigle APQ (activité physique quotidienne). L’objectif est de lutter contre la sédentarité pour atteindre les recommandations de l’OMS (1 heure d’activité physique par jour, 3 h pour les enfants de moins de 5 ans). Cette activité physique supplémentaire correspond donc à un réel besoin. 

On peut cependant douter de son efficacité, quand dans le même temps, le ministère réduit considérablement les horaires de formation initiale en EPS, supprime la formation continue, impose aux conseillers pédagogiques de circonscription (CPC) en EPS de faire de multiples autres tâches que l’EPS, et fragilise l’USEP alors qu’il est un partenaire privilégié pour développer l’EPS et le sport scolaire à l’école primaire. 

Pourquoi un tel décalage entre les annonces et les actes ? Tout simplement parce que le gouvernement refuse d’investir dans l’Ecole, comme dans les autres services publics. Lorsque l’on analyse l’ensemble des projets relatifs à l’APQ, à l’EPS ou au sport scolaire depuis quelques années, on constate qu’ils engendrent tous un développement des partenariats extérieurs à l’Education Nationale. Le dispositif 2S2C (sport, santé, culture, civisme), mis en place à la sortie du premier confinement, était de ce point de vue emblématique. Il déléguait toutes les disciplines autres que maths et français à des intervenants extérieurs, moins rémunérés que des enseignants. Il avait été qualifié par le ministre Blanquer d’avenir de l’école (mai 2020, voir le communiqué Snep-Snuipp (FSU)).  

Dans ce contexte, nous disons donc oui à une augmentation du temps d’activité physique quotidienne, mais cela doit se faire en priorité en renforçant l’EPS sur le temps scolaire et en travaillant avec les collectivités territoriales les temps hors scolaires (temps périscolaires, week-ends, vacances, ..). C’est le sens des 20 mesures pour le développement de l’activité physique, l’EPS et le sport scolaire, proposées par le SNEP et le SNUipp-FSU. 

Le rôle de l’Ecole, c’est d’assurer une EPS de qualité 

La communication ministérielle sur le « Bouger 30 minutes » a été une véritable caricature révélant le manque d’ambition du ministre pour l’Ecole .

Le rôle de l’Ecole n’est pas de « faire bouger », mais de doter les élèves de pouvoirs d’agir grâce aux apprentissages dans les différentes activités physiques, sportives et artistiques. Savoir nager, savoir danser, savoir jouer collectif, savoir s’orienter est autrement plus ambitieux que simplement « bouger » ! C’est grâce à une EPS de qualité que les élèves développeront le goût du sport, qu’ils entreront dans la culture physique, sportive et artistique de leur temps, qu’ils prendront des habitudes de pratiquer les activités de leur choix et seront en bonne santé. (voir Bouger c’est bien, apprendre en EPS, c’est mieux !

Tendre vers 3 à 4 séances d’EPS par semaine 

Les 30 minutes d’APQ sont censées être faites en plus de l’EPS, les jours où il n’y a pas EPS. Or, on sait que les 3 heures d’EPS inscrites dans les programmes ne sont pas assurées en totalité, notamment à cause du manque d’équipements et de la pression sur les maths et le français (voir  Assurer les 3 heures d’EPS à l’école primaire, un défi à relever). Il serait donc utile et urgent d’aider les professeurs des écoles à se rapprocher le plus possible des horaires officiels d’EPS, avec au minimum deux séances d’EPS par semaine, si possible tendre vers 3 ou 4 séances suivant le contexte. Il serait également utile de (re)impulser les rencontres sportives sur le temps scolaire – grâce aux CPC EPS – puisque c’est un des moyens de dynamiser l’EPS dans les écoles (voir L’enquête sur les écoles vitaminées). 

Actuellement, les écoles maternelles font une séance tous les jours de 30-40 minutes, grâce des équipements au sein de l’école. L’enjeu est que cela soit possible également à l’école élémentaire. Cela nécessite d’avoir des équipements, mais également de concevoir des séquences d’enseignement où l’on alterne séances courtes et séances longues. Une séance courte d’EPS peut avoir son efficacité si on ne la confond pas avec un petit jeu de centre aéré, ou une somme d’exercices dont les élèves se lasseront vite. On peut expliquer aux élèves que faire de l’activité physique tous les jours est important, et donc ajouter une ou séances supplémentaires plus courte. Cela nécessite d’installer quelques routines de travail pour ne pas perdre de temps, et surtout de ne pas multiplier les situations, mais plutôt une seule situation de référence que l’on retrouve à chaque séance, qu’elle soit courte ou longue. Voir jeu de référence et démarche d’apprentissage

Quelques exemples de jeux de référence à mettre en oeuvre sur des séances de 30 minutes  

Voici quelques jeux de référence qui peuvent se faire dans la cour d’école et qui ne nécessitent pas une longue mise en place (exceptée la première séance, toujours plus longue pour prendre le temps de comprendre le dispositif et les règles) : 

  •  Saut à la corde : le but est de faire un spectacle de saut à la corde. Pour cela, il faut apprendre à sauter (une corde par personne). La référence culturelle est un « mélange » de cirque, de GRS et de double-dutch (voir les vidéos). La séquence dure 10 à 12 séances.
  •  Exploit avec ballons : le but du jeu est de faire un spectacle en faisant les exploits les plus difficiles possibles avec un ballon (rebonds et lancers-rattraper). La séquence dure 10 à 12 séances. Il faut impérativement un ballon par personne. On peut aussi faire la même situation avec des balles de jonglage (exploits à une, deux ou trois balles), ou encore avec un ballon de baudruche 
  •  Course de vitesse : 5 mn d’échauffement (course tranquille + quelques d’étirements pour ne pas avoir mal aux jambes). But du jeu : courir le plus vite possible en 6 secondes, il faut choisir son couloir et essayer de battre son record. Sur le même dispositif, on peut ensuite faire des courses de relais. La même situation peut être proposée pour du lancer athlétique (lancer une balle le plus loin possible)
  • Course longue : des collègues ritualisent la formule « footing » : « « Le lundi, on court ! Je n’oublie pas mes baskets ! »), c’est une situation simple qui a du sens socialement. Les enfants pourront ensuite aller courir avec leurs parents ! La finalité peut être une rencontre de course longue (voir Courir 12 minutes pour un marathon collectif)
  • Un jeu traditionnel type gendarmes et voleurs peut être une très bonne situation d’EPS à condition de ne pas éliminer les élèves débutants. Pour un jeu collectif, les premières séances sont toujours un peu plus longues, mais une fois que le jeu est en place, des séances de 30 minutes sont suffisantes pour stabiliser les apprentissages et avoir une grande dépense énergétique. 
  • Et aussi …  des séquences de danse expressive avec l’apprentissage d’une courte phrase gestuelle qui deviendra plus tard une chorégraphie (voir) ou encore des danses traditionnelles que les enfants ont apprises lors de séances plus longues. 

Beaucoup d’activités physiques, sportives ou artistiques (APSA) peuvent être traitées spécifiquement pour une pratique scolaire. Le principe de base est toujours un jeu de référence avec un but du jeu très clair, des critères de réussite très explicites, une organisation ritualisée, et une ambiance d’EPS (règles définies, je réfléchis à ce que je fais…). 

Nous avons conscience que la mise en œuvre de telles propositions ne peut se faire qu’avec un certain nombre de conditions. C’est pourquoi le SNEP et le SNuipp vous invite à revendiquer en priorité : des équipements dans l’école pour éviter les pertes de temps,  de la formation initiale et continue, de l’accompagnement de la part des CPC EPS pour aider à la mise en oeuvre de projets et impulser des rencontres sportives, et un soutien à l’USEP pour développer le sport scolaire. Voir 20 mesures pour le développement de l’activité physique, l’EPS et le sport scolaire